Je viens de découvrir le billet que Frédéric de Villamil consacre à répondre à un billet de Francis Pisani intitulé « Google se tire une balle dans le pied », dont j’ai, par la même occasion, parcouru les commentaires (qui sont, comme souvent sur Transnets, très nombreux et, disons-le entre nous, pour la plupart très agressifs). Je suis sidéré de la naïveté avec laquelle toutes ces réponses accusent Francis d’être naïf… Il a sans doute prêté le flanc à un tel reproche en parlant de « contrat moral » et son titre est peut-être un peu excessif, mais il me semble qu’il a raison sur le fond.
En effet, Google a rigoureusement le droit de mettre un terme aux services qu’il propose gratuitement, tout comme un supermarché a rigoureusement le droit de cesser de commercialiser un produit particulier (c’est d’ailleurs ce que font régulièrement les grandes surfaces de l’agglomération paloise en ne proposant plus de nouilles udon, soba et ramen crues dès la période du « Nouvel an chinois » passée ; mais je parlerai de ce scandale une autre fois 😉 ). Néanmoins, en faisant ce choix, le supermarché prend le risque que les clients intéressés par ce produit décident d’aller faire leurs courses ailleurs… et n’achètent plus le produit en question (forcément) mais plus non plus d’autres produits « rentables ».
Dans le cas de Google, bien sûr il est inconsidéré de mettre toutes ses données sur un service en ligne, sans avoir de sauvegarde, bien sûr il n’est pas raisonnable d’être dépendant d’un service quelconque, mais, comme le rappelle un commentaire de Transnets, dans le choix d’un outil et de l’utilisation qu’on en fait, il y a toujours à faire des compromis, à accepter certains risques (ou à faire des efforts supplémentaires pour les éviter). Le fonds de commerce de Google (devrais-je dire son business model ?) est, si j’ai bien compris, de proposer des services gratuits à ses utilisateurs et d’en profiter pour leur montrer de la publicité. Or si je suis utilisateur régulier d’un service et que ce service vient à disparaître, je vais y réfléchir à deux fois avant de m’engager dans l’utilisation d’un nouveau service que le même prestataire me proposera et donc je serai moins enclin à accepter d’être exposé à ses publicités dans le cas qui nous concerne.
Il ne s’agit pas de « contrat moral », de « dû », de « syndrôme très français », de « gratuité systématique des applications », mais simplement de pavlovisme, ce que la fatidique sagesse populaire résume en disant « chat échaudé craint l’eau froide ».
Du côté de Google, il ne s’agit pas plus de « contrat moral », d’engagement ou de je ne sais quoi, mais simplement de communication et d’image de marque : le signal qui est donné aux utilisateurs est « Investissez du temps et de l’énergie à mettre vos données dans mes applications, mais il se peut que ce soit perdu du jour au lendemain » et dans le cas de Google et de sa façon de gagner de l’argent, je ne suis pas sûr que ce soit un excellent signal (même si, bien sûr, les services dont il est question ne sont pas purement et simplement arrêtés pour le moment). Et je pense donc que le raisonnement de Francis est juste sur le fond.
Cependant, on ne louera jamais assez Dieu pour cela (et c’est en cela que je pense que Francis Pisani exagère), on peut rester confiant dans la capacité de Google à évaluer l’impact de cette décision sur ses affaires. J’imagine que les applications concernées n’ont pas beaucoup d’utilisateurs réguliers (je dois avouer que je ne connaissais parmi elles que Google Notebook et Google Video) et que les effets de bord du mécontentement de ces utilisateurs (comme Francis) ne menacent pas sérieusement la situation de l’entreprise. A ce titre, il ne s’agit probablement pas d' »une balle dans le pied ». D’un ongle cassé, peut-être ?
Remarque : Si vous êtes, comme moi, utilisateurs de Google Notebook, vous serez peut-être intéressés par les billets de Benoit Descary :
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