J’ai fait un passage éclair au salon Educatice jeudi dernier. J’ai passé tout mon temps à des rendez-vous avec des exposants arrangés par les organisateurs, aussi je n’ai vu que des stands (et encore pas tous, évidemment) et je n’ai malheureusement pas pu assister à des conférences (et il y a d’autres choses que j’ai manquées, à mon immense regret).
Ce que j’ai vu, surtout, ce sont des robots, des imprimantes 3D et des tablettes, beaucoup de tablettes…
Un défilé de robots
(En effet, sagace lecteur, ce n’est pas par hasard que ce titre est aussi celui d’un livre d’Isaac Asimov)
En ce qui concerne les robots, je reste dubitatif. Je n’ai peut-être pas compris, mais il me semble que le détour que constitue le passage par le robot (comme le détour que constitue le passage par un chat, suivez mon regard…) est plutôt de nature à troubler les élèves qu’à les aider à mieux comprendre les enjeux de la programmation. Je prévois de rencontrer un spécialiste de la question pour qu’il m’explique ce qui m’échappe à ce sujet.
Une exposante qui présentait des robots industriels attirait mon attention sur le fait que ceux qu’on voyait partout (elle a cité Nao) n’avaient pas d’applications professionnelles et qu’il fallait plutôt initier les élèves à la robotique industrielle qui peine à recruter, faute de candidats formés. Je l’ai déjà dit jadis, je ne suis pas certain qu’il soit opportun de former des collégiens à un métier qui aura sans doute considérablement changé quand ils seront en position de l’exercer, mais il est vrai que les maintenir dans l’ignorance des vraies utilisations concrètes et contemporaines de ces technologies, au profit d’une science fiction surannée dans ses espérances, n’est sans doute pas très raisonnable.
Ite hinc, difficiles, funebria ligna, tabellae !
(Oui, vigilant lecteur, c’est bien un vers de l’Élégie 12 du livre I des Amours d’Ovide qui parle de tablettes (de cire) : « Loin de moi, tablettes maudites ! bois funèbre ! »)
Les tablettes surtout m’interrogent. Elles m’ont semblé surabondantes. Une entreprise spécialisée dans l’évaluation (numérique ou papier) propose un chariot de tablettes pour faire passer des tests à des élèves (ils visent plutôt le marché de l’enseignement supérieur semble-t-il), une autre qui travaille dans le domaine des capteurs pour l’Exao vend des tablettes qui intègrent nativement des capteurs (mais aussi un boîtier qui permet d’utiliser ces mêmes capteurs sur n’importe quelle autre tablette). Je ne sais comment interpréter cela. J’imagine que si on se laissait aller aux arguments de ces commerciaux, on aurait dans chaque établissement scolaire des jeux de tablettes pour les sciences, des jeux de tablettes pour les langues, des jeux de tablettes pour l’évaluation etc. Peut-être même un jeu de tablette par salle de cours.
Je me demande si ce développement correspond à une tendance mondiale de tablettes de moins en moins chères et de plus en plus présentes, qui fait que chacun imagine son produit sous la forme d’une tablette-appliance au lieu de le penser comme du logiciel ou un périphérique. Je serais curieux de voir ce qui sera proposé au BETT (auquel, encore une fois, je ne pourrai pas être présent, puisqu’il est en même temps que la journée Eidos que j’organise. Si un de mes lecteurs allait à Londres, il pourrait aisément se faire pardonner son absence à Eidos en me disant ce qu’il y aurait vu en matière de tablettes 😉 .
Une autre hypothèse serait que cet engouement est un effet de bord un peu étrange du plan numérique ministériel : les constructeurs entendraient ainsi profiter d’une mode des tablettes dans les établissements et auprès des collectivités… Je ne vois pas bien comment cela pourrait fonctionner dans l’hypothèse de la généralisation dont parle le Ministère (je ne sais pas si hypothèse est le mot approprié pour parler de quelque chose qui n’adviendra jamais) : y aurait-il des élèves équipés de tablettes pour l’évaluation et d’autres de tablettes pour les sciences ? D’ailleurs, ne serait-il pas astucieux d’imaginer de tels équipements qui permettraient une mutualisations au niveau d’une classe ? Faudrait-il que les établissements choisissent une fois pour toute la tablette pour les sciences ou celle pour les langues ? Ou alors, peut-être que comme les élèves ont maintenant plusieurs manuels dans leur cartable, ils auront dans quelques années trois ou quatre tablettes adaptées aux différentes matières…